J’ai tellement envie d’écrire ce
soir que j’en ai les mains qui tremblent. Ce n’est jamais bon signe, une
boulimie pareille annonce en général des mots précipités sur le papier, dans
une agitation incontrôlable, que je relirais avec déception dans quelques
heures ou jours. J’ai digéré un décalage horaire bien salé, voilà ça y est ça
va mieux. J’ai repris le rythme de mes saisons, de mon sol qui ne va pas tarder
à geler. Même si j’aime ma maison, une partie de moi crie famine de voyage, et
sera toujours comme une étrangère déracinée. Une voyageuse capricieuse-sac-à-dos
vit en moi, et je crois que je ne suis pas prête de la combler. J’aurais beau la
trimballer les bras ballants aux quatre coins du globe, lui faire goûter (et
vomir) tous les plats traditionnels possibles, lui faire flamber toutes les
monnaies entre les doigts, elle ne voudra rien entendre. Elle va me rendre la
vie dure. Elle va me faire mourir d’envie de là-bas chaque fois que je serais
ici.
Loin du luxe, je me fais dévorer
par des moustiques qui peut-être portent la dengue, mes tripes se soulèvent
dans un Pacifique déchainé, mes pieds enflent et s’endolorissent sous l’effet
de la chaleur et de l’effort. Et j’ai l’impression d’aller au bout de moi-même, de surplomber une étendue qui ne connait plus de frontière, et
mon cœur se brise de joie.
Je veux voir des gens, les
entendre chanter, les entendre jurer. Je veux boire des eaux filtrées, des bières
amères, des purées infâmes. Je veux des pluies torrentielles, des soleils de
plomb, des marais salants, des cormorans. Des tropiques, de la glace, de l’eau
sous des ponts, des pentes abruptes, des sardine-run.
Je veux tout, tout le temps, tout de suite, et en vrac.
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