samedi 27 novembre 2010

Un brusque au revoir

Touchés. Coulés.

Coulés avant de s'être rendormis.

Je me réveille d'une nuit blanche dans du coton, en équilibre au bord d'une chaise. Les contours se dessinent dans du flou, du mur, du couloir, du plafond. Du couloir des urgences.

Derrière le lit un de l'UHCD, tu dors déjà.

Sortir prendre l'air pour que l'odeur de la médecine faillible ne descende pas jusqu'à mon estomac, qui se noue, et se noue, et se noue. Dehors, je fais le point dans le cauchemar. Petite chute dans la nuit. Paralysie du bras gauche. De la jambe gauche. Petit AVC. Pompiers. Bon pronostic. Aphasie. Perte de connaissance. D'espoir. Coma. Vendredi, je ne vis que des réveils. Le téléphone qui sonne. Qui résonne. Qui reresonne. Beaucoup de déséquilibres et de rattrapages de justesse a des objets. Des minutes cumulées ou je ne sais plus ou j'étais dans le monde. Je m'endors a un endroit, me réveille a un autre avec des nouveaux vêtements. Monte dans des voitures et oublie des trajets. Cache à M. qui est seule dans le salon, qui veut dormir, qui ne peut pas se battre contre ça, des secousses incontrôlables qui décapsulent des opercules. Répond a P. qui explique un passage incompréhensible entre conscience et coma. Brosse mes cheveux. N'arrive pas a enfiler un pull en laine. Je l'enfile finalement. Et serai quand même la pour te dire au revoir. Tu part te reposer en paix, avec dans les mains tout notre amour et un violon. Qui est infini.

Pendant ce temps, qu'il pleut des cordes, ravaler des larmes d'alligator sous les regards cachés posés sur ma petite fleur de deuil. J'ai des cendres qui se dispersent. La météo a tout rincé sans distinction, pour arrêter l'hémorragie.

Les images se dissiperont. La detresse du coma agité sera balayé par le visage qui est venu ensuite. On deviendra convaincus que les dernieres bribes de ta conscience auront été les sons de nous discutant de la vie à ton chevet jusqu'à la fin, et pas celles de ton bras gauche obsedant qui s'engourdit peu à peu.

jeudi 11 novembre 2010

C'est nos défauts

Immense nuit de fête, reviviscence puis re mort.
Le 30 octobre, on s'est un peu oubliés. Mais ça faisait un baille, qu'on était embarqués dans nos vies qui allaient un peu plus vite que la musique. Et puis stop. Si on arrête pas la course elle finit par nous noyer.
Ce lieu m'est bien familier. C'est comme si j'y avais déjà vécu, il y a longtemps. Les fauteuils ont été poussés, le sol aspiré avec du matériel professionnel, ratatouille est retourné vivre sa vie de rat hors de notre terrier (mais on sait qu'il reviendra). Il a suffit de peu de temps pour que le décors commence à osciller, puis à tourner, puis à réellement basculer. Sous nos piétinements acharnés de bourrés. Le temps s'est dilaté pour nous, il est devenu long mais est passé vite, peut être que c'est ça finalement le changement d'heure. Le rosé a coulé a flots, en rivière de diamant en plastique. On a exagéré, chanté, dansé comme au bon vieux temps. Avec un air de bal. Une immense fête qui subsiste un peu à tous nos chemins qui ont fait leur chemin. I insubmersible, ca ne prend pas fin. Dès qu'on se retrouve, on s'enlace, et c'est la joie qui surplombe tout le paysage.
Ca finit toujours comme ça. Comme une grande inspiration à pleins poumons dans la nuit. L'oubli. Momentanément, plus rien d'autre que du rire et ce défouloir de tango.
M. disait que c'était une parenthèse hors du temps. A ce jour, on n'a jamais trouvé meilleure définition.
"Tout ceci est déjà arrivé et arrivera encore". Impossible à corriger, ces forces qui nous poussent au déséquilibre au milieu de la pièce, qui me pousse vers mes cavaliers.
Danser pour toujours.

[une voix métallique qui chuchote dans mon cerveau, un micro sommeil les yeux ouverts sur le vide dans le cuir gelé des canapés. Nuit de rêves irréels, de couleurs impossibles, de sons atténués. Restés paralysés dans des positions inconfortables. Désorientation temporelle (changement d'heure encore), faim, impossible d'avaler des aliments, soif, des litres d'eau qui est absorbée et se perd je sais pas ou. Du chou. Du malaise. Du confortable. De l'ennui et de la tristesse inconsolable pour m'accompagner pendant des jours.]

A nos magiques ancetres.

J'en peux plus de la mort.

En fait M. avait raison, c'est elle qui me fait peur. Même si il l'a dit vite et sans prévenir, il avait mis le doigt dans l'oedème. Je veux plus, ces personnages qui peuplent nos vies et qui d'un coup, ne les peuplent plus. J'ai tellement peur d'arriver trop tard. Pour dire au revoir a ceux qu'on aime. Je me retrouve assise a table, la main sur la bouteille d'eau, seule face au terminus. Qui ne me touche même pas moi en fait, mais qui fait s'effondrer comme des châteaux de cartes des environnements proches. La stabilité du monde. Un terrain glissant.Trois petits tours et puis s'en iront tous. A chaque fois, rattrapés par les tentacules de l’inimaginable, l’incompréhensible, l'inintegrable, le non elaborable, l'impossible.

Et de l'autre côté, demeure l'appel. Le monstre nous fait des signes, venez dormir indéfiniment bercés au creux de mes bras velus, et trouver la sécurité. Fin de la peur. Fin de la douleur. Fin du trouble. Desserrer l’étreinte, accepter la fin de ceux qui étaient la depuis le début. Se laisser emporter par le flot et abandonner le bateau.

Et vous retrouver, dans tous ces moments de panique, comme dans le roi lion, comme une constellation qui veille sur nous pour le reste de nos vies.