lundi 19 novembre 2012

It’s a long way to the beach, the longest in fact.




"Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon. Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."

L'usage du monde, Nicolas Bouvier.

Il ne me faudra que quelques heures assise à lire pour retraverser tout le monde en sens inverse et me retrouver à Roissy sous un fin crachin. Je n’avais plus aucune image précise de l’automne en tête –un climatiseur qui irrite la gorge et bouche le nez – avant de voir de mes yeux par le hublot le sol détrempé de l’aéroport. What the hell am I doing here. I don’t belong here. Une force quelconque me conduit sans volonté me jette hors de l’avion (mauruuru, nana) et me déplace dans les couloirs du terminal. Le spectacle qui défile ensuite par les fenêtres du train me glace. Je mets mes yeux dans mes mains pour ne pas y avoir droit, à cette région île de France qui entame son samedi, à ces champs vallonnés sous la pluie. 


Le décalage horaire, ma forme d'amour. Je trouvais que découper le monde en fuseaux et surtout, les traverser, c’était être libre et avancer à pas de géants. Mais depuis ces jours et ces nuits aux durées qui varient, plus rien n’est stable. Aux heures qui s’allongent et rétrécissent sans qu’on n’arrive à les calculer, aux dates toujours fausses à mes montres. Et chaque matin, je ne me souviens pas où je suis, et je ne comprends plus du tout comment s’écoule le temps. J’ai le cœur qui bondit comme des grenouilles en pleine nuit, un engourdissement qui me saisit en plein jour. Fermer la fenêtre ne suffit pas à empêcher le froid d’entrer dans les pièces. Et il n’y a plus de chauffage.
Rien ne vient à bout de cette sensation poisseuse de vide, ni manger des tonnes de sucré, ni hurler en haut d’une montagne. Elle disparait le temps de rire avec les petits loups, ou de prendre un bon goûter, mais elle revient.

Je suis une étrangère en ma propre demeure. Les objets (mes objets) me semblent désincarnés et comme ne m’appartenant plus.Tout est bizarre.

Le paysage dehors est magnifique pourtant. Il me gèle jusqu’à la moelle mais les couleurs de l’automne sont éblouissantes. Par instants je vois bien que la clef du bonheur c’est d’enfiler un pull en laine et une écharpe, et de partir conquérir ces plaines et ces vallées, appareil photo en bandoulière. Mais le temps d’attraper mon sweat et je suis déjà repartie dans les limbes.
Avant de partir, je trimballais une brique, et maintenant c’est comme si je n’avais même plus de toit sur la tête. Je ferais mieux de croquer dans des pommes et des poires, aromatiser mes pâtisseries à la vanille, et faire des soupes à l’oignon, plutôt que de me plaindre à longueur de journée. Tout ça JE LE SAIS, mais JE NE PEUX PAS.
Normalement « être heureux c’est trop facile», mais je n’arrive plus à m’appliquer ma propre recette du bonheur (un peu de pâte feuilletée, des pommes à feu doux, du caramel mou). Pourtant, je me l’étais promis (élo, promets, ne te laisse pas détruire), et je crois que ce qui me blesse le plus dans l’histoire, c’est de ne pas arriver à honorer une promesse que je me suis faite à moi, pour une fois.  
 

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