Pendant
que se déroulent ces 2500 kilomètres que nous avons à faire en trois jours, mon
esprit ne cesse de vagabonder et mes pensées de se creuser comme des fossés.
Puisque nous n’avons pas tant de chose que ça à nous dire qui pourraient faire
durer une conversation autant d’heures, chacun s’absorbe dans ce qu’il pense.
Je n’ai pour ma part jamais peur d’aucun long voyage. L’opportunité de s’asseoir
dix heures de suite au même endroit sans rien faire nous est rarement donnée autrement,
et dans ces moments (comme quand je conditionnais des lingettes à la chaine) de
bonnes idées me viennent généralement.
La
première, ce n’est pas une idée mais un bête constat : l’Europe est
uniforme. Les paysages français, suisses, allemands, sont les mêmes paysages à
quelques détails près. Les autoroutes sont les mêmes, sauf qu’on y roule bien
plus vite et sans payer. L’Allemagne c’est surtout une immense succession de
forêts et d’éoliennes pas toujours en marche. On ne se rend pas compte de la
taille d’une éolienne quand elle tourne avec le vent, mais immobile, le paysage
devient inquiétant comme si le temps était figé en attente d’une catastrophe. Je
vois qu’en bas il y a une porte et j’imagine la longueur de l’escalier pour
atteindre l’hélice inerte. Des gens (des employés d’EDF allemand) doivent avoir
la clef des éoliennes, et pouvoir emmener diner une femme en haut. Mais j’ai
beau chercher, je ne vois aucune ouverture, il ne semble pas y avoir de hublot.
Dommage, la vue doit être saisissante.
Des
véhicules occupent ce qui semble être l’espace de quatre voies. La route est
large et sans démarcation. J’ai du sang qui pulse dans ma tête et une douleur aigüe au ventre quand nous passons devant Francfort au loin, qui semble de là
tellement économique. Les buildings du quartier des affaires forment un ilot
qui dépasse comme un morceau de Tokyo. Je brule d’envie de voir de plus près.
Mais pour l’instant la douleur me plie en deux. La route si étendue donne envie
de faire grimper le compteur toujours plus loin.
Je
suis dans un état tellement inhabituel par moment que je me demande si je n’ai
pas confondu mon comprimé contre le mal des transports avec un Lysanxia rangé
au même endroit. J’essaye de me souvenir de la scène où j’ai avalé le cachet rond
de la petite boîte bleue, et j’ai un doute. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas le
mal des transports, et je ressens l’effet de ce qui pourrait potentiellement
être un anxiolytique. Mise à part la douleur fulgurante qui me lance toutes les
heures du côté droit, je me sens étrangement seule. Et étrangement bien.
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