vendredi 5 juillet 2013

Die brücke

J’arpente Hambourg, ville inconnue d’un pays inconnu, enfermée dans l’espace qu’occupe mon corps. Ne pas parler un mot de la langue d’un pays c’est comme se retrouver emmuré, et le monde se rétrécit pour finir au bout de son nez. Plus j’entends parler et moins je comprends, je ne peux rien lire, rien reconnaitre, rien identifier. Mes jambes me portent dans cet environnement instable et je fais des sourires sincères mais niais quand on m’adresse la parole. J’ai tellement marché que je boite du pied gauche dont le talon ne supporte plus d’appuyer sur le sol. Tout m’est étranger : le tic-tac irrégulier qui invite les piétons à traverser la rue, les devantures colorées des sex-shops qui ont pignon sur rue, les restaurant éclairés à la bougie, le paiement d’avance à l’hôtel. Mais de tout ça, ce qui me dépayse le plus, c’est de constater qu’ici on offre les fleurs emballées dans un papier opaque, ce qui donne aux bouquets l’aspect extérieur d’un jambon cru entier. C’est sûr que jamais je ne vivrais dans une ville où les hommes apportent des roses de cette manière.
Dommage d’ailleurs, les hommes ici ont l’air souvent très élégant.
Hors des rues animées et peuplées, le port accapare toute mon attention. L’eau est marron, l’Elbe agité s’étire d’un côté à l’autre. Sur l’autre rive, loin, une bête géante de métal et de rouille travaille comme un fantôme. Les grues touchent le ciel et quelques-unes seulement se mettent occasionnellement en mouvement. Des containers s’amoncèlent,  des gens de toute sorte attendent le bateau-bus sur la jetée. Les docks ont toujours été pour moi un monde à part, qui semble vivre pour lui-même hors du commun des mortels. Les silhouettes des machines et des paquebots bougent au ralenti, tout semble gelé et soupirer dans le travail difficile, mais en même temps un cœur bat sur et sous la surface trouble. Du « Steak, fish, machin & schnitzel truc » où je m’acharne à décortiquer un Hareng plein d’arêtes avec les doigts, le soleil se couche du côté que je n’aurais pas cru. Il se met à pleuvoir. Une bourrasque et tout ça se retrouve sous une fine pluie qui rend les arrières plans rapidement flous et rafraichit l’air ambiant, jusque-là était par moments suffocant. Le paysage me transporte, je cherchais l’inspiration ou quelque chose de perdu mais je n’en attendais pas tant. Malgré tout, dans le fond je me sens triste et je suis bien incapable de trouver pourquoi.

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