J’arpente
Hambourg, ville inconnue d’un pays inconnu, enfermée dans l’espace qu’occupe
mon corps. Ne pas parler un mot de la langue d’un pays c’est comme se retrouver
emmuré, et le monde se rétrécit pour finir au bout de son nez. Plus j’entends
parler et moins je comprends, je ne peux rien lire, rien reconnaitre, rien
identifier. Mes jambes me portent dans cet environnement instable et je fais
des sourires sincères mais niais quand on m’adresse la parole. J’ai tellement
marché que je boite du pied gauche dont le talon ne supporte plus d’appuyer sur
le sol. Tout m’est étranger : le tic-tac irrégulier qui invite les piétons
à traverser la rue, les devantures colorées des sex-shops qui ont pignon sur
rue, les restaurant éclairés à la bougie, le paiement d’avance à l’hôtel. Mais
de tout ça, ce qui me dépayse le plus, c’est de constater qu’ici on offre les
fleurs emballées dans un papier opaque, ce qui donne aux bouquets l’aspect
extérieur d’un jambon cru entier. C’est sûr que jamais je ne vivrais dans une
ville où les hommes apportent des roses de cette manière.
Dommage
d’ailleurs, les hommes ici ont l’air souvent très élégant.
Hors
des rues animées et peuplées, le port accapare toute mon attention. L’eau est
marron, l’Elbe agité s’étire d’un côté à l’autre. Sur l’autre rive, loin, une
bête géante de métal et de rouille travaille comme un fantôme. Les grues
touchent le ciel et quelques-unes seulement se mettent occasionnellement en
mouvement. Des containers s’amoncèlent, des
gens de toute sorte attendent le bateau-bus sur la jetée. Les docks ont
toujours été pour moi un monde à part, qui semble vivre pour lui-même hors du
commun des mortels. Les silhouettes des machines et des paquebots bougent au
ralenti, tout semble gelé et soupirer dans le travail difficile, mais en même
temps un cœur bat sur et sous la surface trouble. Du « Steak, fish,
machin & schnitzel truc » où je m’acharne à décortiquer un Hareng plein
d’arêtes avec les doigts, le soleil se couche du côté que je n’aurais pas cru. Il
se met à pleuvoir. Une bourrasque et tout ça se retrouve sous une fine pluie
qui rend les arrières plans rapidement flous et rafraichit l’air ambiant, jusque-là
était par moments suffocant. Le paysage me transporte, je
cherchais l’inspiration ou quelque chose de perdu mais je n’en attendais pas
tant. Malgré tout, dans le fond je me sens triste et je suis bien incapable de
trouver pourquoi.
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