Cette
semaine, Émilie a dit à T. : « Quand tu regardes Maeva, on dirait que
tu regardes un nénuphar ». T. lui a demandé de s’expliquer. Elle a répondu
« ben ouais mec, un nénuphar c’est une plante aquatique ! »
« et alors ? » « ben je sais pas, c’est rare, quand t’en
vois un t’es content ». Même s’il l’a d’une part mal pris, et d’autre part
bien rigolé, je comprends complètement ce qu’elle a voulu dire. J’ai souvent eu
l’impression pendant ces années qu’il me regardait effectivement comme un
nénuphar. Je n’avais pas pu poser un mot juste dessus. Les autres non plus
surement. Mais dans cette plante il y a tout : la fascination pour la
fleur tendre qui éclot au milieu d’un environnement couleur de vase, cette
grande feuille en forme d’assiette prête à tout accueillir comme une main
ouverte. Les grenouilles, les libellules. Elle s’épanouit dans un milieu marécageux, où l’on
ne pense pas que la délicatesse puisse s’aventurer, mais elle y vient à pas
feutrés. Et bien que la fleur prenne le soleil de plein fouet, tournée vers le
ciel bleu, ses racines plongent dans le mal du fond de l’étang et puisent
dedans la partie obscure nécessaire à toute vie. Des nutriments, des micro-organismes.
Des algues gluantes et grouillantes. Le nénuphar semble flotter mais il est
relié au fond par ce long fil comme un bras de méduse. Comme le ballon d’hélium
au bout du bras de son petit propriétaire. Il oscille mais seulement dans une
certaine fourchette, sa marge de manœuvre semble, de la rive, infinie. Pourtant
il vit dans un périmètre restreint comme tout un chacun. Emprisonné dans le
limon qui tapisse les bas-fonds. Et T. sans s’en rendre compte, observe cette
rareté botanique avec l’œil brulant du naturaliste.
jeudi 26 septembre 2013
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