Lyon
tire sa révérence par la fenêtre du taxi et je lutte pour garder les yeux
ouverts. Je sais que si je laisse faire, je me réveillerais à Calais, et l’addition
sera salée. La route glisse comme sur de la neige en plein mois d’août, dans
cette énorme voiture à la carrosserie noire impeccable, à moins que je ne
confonde deux soirées différentes. Les lumières des immeubles se déforment avec
la courbure des vitres. T. m’attrape la main. Lâcher prise. Nous avons
tellement parlé en tournant en rond, en repensant aux mêmes choses et en se
répondant les mêmes mots. Chacun obnubilé par son propre sort. Je sais que je
lui fais du mal mais que je continuerai de lui en faire. Il sait que si je lui
fais du mal ce n’est pas de ma faute et que je l’aime. Le problème dans tout ça
c’est que personne n’a tort. C’est juste comme ça (ou injuste comme ça). Et
finalement, il n’y a rien à en dire une fois que toutes ces phrases ont été
lessivées et essorées. Sa main est comme une trêve au milieu de la guerre.
Posons les armes. Jetons l’éponge. Déclarons forfait. Je te comprends, tu me
comprends, je sais que tu m’as comprise et que tu sais que je t’ai compris. Derrière
il reste de l’amitié.
Cette
main qui en cherche une autre à l’arrière d’une voiture me ramène aussi à ce
jour où ma grand-mère est morte. Sur le retour de l’hôpital, quels mots j’aurais
pu dire à ma mère de toute façon ? Que ça passerait ? Que ça irait ?
Que les choses s’arrangeraient ? Non, c’était impossible et rien n’aurait
pu atténuer d’un millimètre le choc dans lequel nous étions, elle était. Je ne
sais même plus qui a conduit. Je ne sais plus s’il y avait quelqu’un à la place
du mort.
Ce
geste est le dernier. La dernière chose que nous puissions faire pour ceux qu’on
aime quand il n’y a plus rien à dire.
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