vendredi 6 septembre 2013

Taxi



Lyon tire sa révérence par la fenêtre du taxi et je lutte pour garder les yeux ouverts. Je sais que si je laisse faire, je me réveillerais à Calais, et l’addition sera salée. La route glisse comme sur de la neige en plein mois d’août, dans cette énorme voiture à la carrosserie noire impeccable, à moins que je ne confonde deux soirées différentes. Les lumières des immeubles se déforment avec la courbure des vitres. T. m’attrape la main. Lâcher prise. Nous avons tellement parlé en tournant en rond, en repensant aux mêmes choses et en se répondant les mêmes mots. Chacun obnubilé par son propre sort. Je sais que je lui fais du mal mais que je continuerai de lui en faire. Il sait que si je lui fais du mal ce n’est pas de ma faute et que je l’aime. Le problème dans tout ça c’est que personne n’a tort. C’est juste comme ça (ou injuste comme ça). Et finalement, il n’y a rien à en dire une fois que toutes ces phrases ont été lessivées et essorées. Sa main est comme une trêve au milieu de la guerre. Posons les armes. Jetons l’éponge. Déclarons forfait. Je te comprends, tu me comprends, je sais que tu m’as comprise et que tu sais que je t’ai compris. Derrière il reste de l’amitié.
Cette main qui en cherche une autre à l’arrière d’une voiture me ramène aussi à ce jour où ma grand-mère est morte. Sur le retour de l’hôpital, quels mots j’aurais pu dire à ma mère de toute façon ? Que ça passerait ? Que ça irait ? Que les choses s’arrangeraient ? Non, c’était impossible et rien n’aurait pu atténuer d’un millimètre le choc dans lequel nous étions, elle était. Je ne sais même plus qui a conduit. Je ne sais plus s’il y avait quelqu’un à la place du mort.
Ce geste est le dernier. La dernière chose que nous puissions faire pour ceux qu’on aime quand il n’y a plus rien à dire.

Aucun commentaire: